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Consciousness
and the Brain: Deciphering How the Brain Codes Our Thoughts
Consciousness
and the Brain: Deciphering How the Brain Codes Our Thoughts
Stanislas Dehaene
Editions Vicking Aldult
(2014)
Me
Pr. Stanislas Dehaene est un psychologue cognitif et
neuroscientifique français né le 12 mai
1965 . Ses principaux domaines de recherche concernent
les bases cérébrales de l'arithmétique
et de la numération, la lecture et la conscience,
thématiques qu'il explore au moyen d'expériences
de psychologie cognitive et par l'imagerie cérébrale
(imagerie par résonance magnétique fonctionnelle,
magnétoencéphalographie et électroencéphalographie).
On
pourrait penser, à voir l'abondante littérature
consacrée dans le monde entier aux sciences du cerveau,
y compris à la conscience de soi (le Hard problem
selon le philosophe Chalmers), que la France tient une faible
part dans ces recherches. Ce serait une erreur, comme le
montre la lecture du dernier livre du neuroscientifique
français Stanislas Dehaene, consacré à
ce sujet.
Non
seulement celui-ci, dans la ligne de pensée initialisée
par Jean-Pierre Changeux, est un expérientateur et
un théoricien remarquable, mais il dirige, au sein
d'une équipe principalement localisée au centre Neurospin de Neuroimagerie cognitive à Saclay,
les recherches les plus avancées sur ce vaste thème.
Son
livre, malheureusement à ce jour encore seulement
disponible en anglais, Consciousness and the Brain: Deciphering
How the Brain Codes Our Thoughts , examine les réponses
possibles aux questions fondamentales, comment notre cerveau
génére-t-il une pensée consciente?
Pourquoi l'essentiel de notre expérience du monde
demeure-t-il inconscient? Comment notre cerveau évoluera-t-il
dans un proche avenir ?
Ces
questions, qui ont fait de tout temps l'objet des réflexions
des philosophes, ont donné lieu depuis une cinquantaine
d'années à de nombreuses expériences
cliniques visant à identifier les centres nerveux
impliqués dans les démarches cognitives, quand
ils étaient détruits ou amoindris par des
accidents. Des expériences plus ou moins destructives
sur les animaux avaient aussi été menées
depuis longtemps. Mais, comme le montre clairement l'auteur,
c'est depuis 20 ans, voire même depuis 10 ans, que
les progrès de la neuroimagerie ont permis de faire
progresser les recherches d'une façon décisive.
Ces progrès se poursuivent tous les jours et obligent
à mettre à jour ou modifier les conclusions
acquises.
Le
livre
Consciousness
and the Brain: Deciphering How the Brain Codes Our Thoughts nous convie à un voyage passionnant, depuis le
cerveau inconscient jusqu'aux formes les plus élaborées
de ce que l'on nomme la conscience humaine. La lecture demande
un minimum de connaissance de l'anatomie et du fonctionnement
du cerveau. De même il faut déjà sommairement
connaître ce que sont les neurones et les formes qu'ils
ont adopté, au cours d'une évolution qui a
commencé dès l'apparition des premiers vertébrés.
Il faut aussi savoir se repérer dans les différentes
techniques de neuro-imagerie, ceci jusqu'aux plus récentes
d'entre elles. Mais pour le reste l'auteur fait montre d'une
telle aptitude pédagogique que chacun en le lisant
pourra s'imaginer devenir un tant soit peu psychologue cognitif.
L'ouvrage
comporte 7 chapitres , respectivement consacrés à
la conscience telle que vue par les laboratoires, à
l'inconscient, à l'utilité de la conscience,
notamment dans une perspective évolutionnaire, aux
« signatures » par lesquelles ont
reconnaît un processus conscient afin de les différencier
des processus inconscients, aux modes d'analyse de la conscience
en termes théoriques, aux moyens d'en identifier
la présence chez les personnes frappées d'attaques
cérébrales et d'accidents corporels, à
l'avenir enfin des travaux sur la conscience, notamment
dans la perspective des cerveaux artificiels.
Les
recherches de Stanislas Dehaene ont été inspirées
par celles de Francis Crick (dans la 2e partie de sa vie)
et de Cristof Koch. Celles-ci portaient sur "les
corrélations neurales de la conscience",
autrement dit sur les parties du cerveau qui s'activent
chez une personne quand celle-ci devient consciente de quelque
chose. Pour distinguer les phases durant lesquelles la conscience
de cette chose apparaît, des phases les précédant,
pendant lesquelles la chose demeure inconsciente, Stanislas
Dehaene et son équipe ont abondamment utilisé
ou mis au point divers stimulus visuels ou sonores conçus
pour se situer au seuil précis (quelques millisecondes)
à partir duquel l'information sensorielle recueillie
devient consciente.
L'une
des méthode employées consiste à « flasher »
très rapidement une image ou un son correspondant
à un stimulus identifiable par le sujet, stimulus
pris en sandwich entre une paire d'images ou de sons non
significatifs. Si la durée du stimulus est convenablement
ajustée, celui-ci pénétrera la conscience
du sujet, qui pourra faire un geste le signalant. Sinon
il ne réagira pas. Pendant ce temps, différentes
méthodes d'imagerie cérébrale observeront
le cerveau de l'intéressé et réagiront
aux signaux électriques émis par les différentes
zones du cerveau s'activant lors de l'expérience.
La première
conclusion de ces expériences est qu'un très
grand nombre de stimulus demeurent inconscients, bien que
perçus. Ceci même lorsque ces stimulus entraînent
une réaction de l'organisme. Cette réaction
à son tour demeure généralement inconsciente.
On peut en conclure que l'essentiel des informations recueillies
par nos sens sur nous-mêmes ou sur le monde ne franchissent
pas le seuil de la conscience, tout en orientant plus ou
moins profondément nos comportements. Il ne s'agit
pas de « l'inconscient » théorisé
par Freud, et que Lacan avait prétendu être
« structuré comme un langage ».
Il s'agit cependant d'un monde extrêmement riche de
représentations et de symboles, au sein duquel nous
nous mouvons sans le savoir, que ce soit durant la veille
ou durant le sommeil.
Cependant,
lorsque le seuil de la conscience est franchi, il se produit
ce que Stanislas Dehaene appelle une « avalanche »
ou un tsunami dans le cerveau. L'activité électrique
dans les neurones des aires sensorielles du cortex supérieur
se répand massivement dans les régions du
cortex pariétal et préfrontal considérées
comme responsables de la « prise de conscience »,
au sein desquelles l'information sensorielle primaire ne
pénètre jamais. Des aires de plus en plus
larges du cortex se trouvent affectées, des parties
du cerveau de plus en plus éloignées sont
activées. L'EEG révèle alors des ondes
caractéristiques dites P3 correspondant à
cette « avalanche ». Des neurones
dits « réentrants » selon le
terme d'Edelman, dotés de longs axones, envoie des
messages vers les zones éloignées du cerveau,
dans le sens descendant ou le sens montant.
Il faut
bien voir, pour mesurer la complexité des faits de
conscience, que le cortex cérébral comporte
selon Dehaene 18 milliards de neurones, et qu'il traite
en temps presque réel des dizaines voire centaines
de stimulus. Cependant, de ces traitements en parallèle,
seules n'émergent à la conscience que des
informations dont l'une à la fois devient perceptible.
Elles peuvent cependant se succéder très rapidement.
Les unes sont évanescentes. D'autres peuvent être
mémorisées plus ou moins longuement. Tout
dépend de l'attention, autre propriété
de la conscience, que le cerveau leur porte.
Stanislas
Dehaene a baptisé espace de travail global l'espèce
de web qui se construit dans la totalité du cortex,
voire au delà, à l'occasion des échanges
à courtes et longue distances qui s'établissent
ainsi. Le terme a été emprunté, mais
considérablement précisé, des travaux
du neuropsychologue américain Bernard Baars. Ce dernier
avait cherché à comprendre comment des contenus
neuronaux très différents pouvaient se rencontrer
et s'harmoniser. On avait reprochée à Bernard
Baars une conception un peu réductrice du cerveau,
pouvant l'assimiler à un ordinateur fonctionnant
en parallèle, et incapable de faire percevoir les
valeurs subjectives (la sensation de bleu ou de rouge qu'éprouve
en son for intérieur tel individu). Mais pour Stanislas
Dehaene l'objection ne tient pas, si l'on considère
les millions de représentations du monde créées
à tout moment par le cerveau inconscient.
La conscience,
comme indiqué ci-dessus, sélectionne à
tous moments l'une d'elles et la répercute (broadcast) au sein du cerveau tout entier, vers les systèmes
de décision globaux. Ce sont ces réseaux d'échanges,
plus ou moins temporaires, ou au contraire plus ou moins
permanents, qui définissent l'espace de travail global.
On peut identifier dans le cerveau ce qu'il appelle de vastes
"hubs" de dendrites auxquels se
connectent des milliers voir des millions d'autres cellules.
Ceci permet d'envisager le terme d' "intelligence
collective". Chaque neurone individuel peut
s'y trouver impliqué, de même qu'à une
toute autre échelle chaque abeille est impliquée
dans l'intelligence collective de la ruche. Ajoutons que
tout neurone individuel, accédant par ses dendrites
à des milliers ou centaines de milliers de synapses,
peut lui-même être considéré comme
doté à lui seul d'une intelligence collective.
Nous
renvoyons le lecteur au livre pour découvrir les
quatre principales "signatures"
de la conscience identifiées par Dehaene et révélant
à l'observation l'existence et le fonctionnement
de celle-ci. De même, il faudra se reporter au livre
pour l'analyse des différentes fonctions de la conscience,
ainsi que leur rôle dans l'adaptation des espèces
vivantes au contraintes de l'évolution. La conscience,
qui est présente sous des formes plus rudimentaires,
selon Dehaene, chez toutes les espèces dotées
d'un cerveau, voire d'un système nerveux central,
s'est développée chez les hominiens du fait
de l'utilisation des premiers outils et par l' émergence
consécutive des premiers langages symboliques, eux-mêmes
organisés en concepts transmissibles et en phrases.
Un chapitre,
un peu long pour qui n'est pas médecin, examine les
différentes formes d'incapacité ou de coma,
affectant les cerveaux. L'accident de ski survenu récemment
au coureur automobile Michael Schumacher, ayant entrainé
un coma dont il n'est pas à ce jour sorti, montre
cependant à tous l'utilité de ces recherches.
Ajoutons
que, dans le chapitre final, Stanislas Dehaene fait preuve
d'une très grande ouverture aux perspectives de la
construction de cerveaux artificiels. Il en a lui-même,
avec des collègues, établit des modèles
réduits. Bien que de taille limitée, ces modèles
informatiques simulent avec une grande fidélité
ce qui se passe au sein de certains réseaux de neurones.
Observations
Nous
aurions quelque soit la richesse du livre, quelques questions
supplémentaires à formuler à l'attention
de l'auteur. En voici quelques unes:
* Le
livre mentionne en une phrase les travaux du projet européen
Human Brain Project (HBP). L'auteur dit leur attacher une
grande importance. L'évolution de ce projet, où
s'est impliquée massivement l'Ecole Polytechique
Fédérale de Lausane, sous la direction du
Pr. Henry Markram et avec un support massif d'IBM, tient-elle
ses promesses? Le projet réussit-il en pratique à
entrainer la collaboration effective, comme envisagée,
de milliers de chercheurs au sein de dizaines de disciplines?
* De
la même façon, des rapprochements utiles se
produisent-ils entre ce projet et le projet américain
dit BRAIN?
* Ces
projets, et notamment l'HBP, bénéficient-ils
de retombées provenant des milliards de dollars consacrés
par la Darpa américaine à la réalisation
de cerveaux militaires intelligents? On peut en douter.
L'expérience a montré que, dans de nombreux
cas, si échanges d'informations il y a, ils se réalisent
dans un seul sens, du civil vers le militaire.
* Ne
faut-il pas, de la même façon, s'inquiéter
des investissements considérables mais encore silencieux
de Google pour se doter de cerveaux artificiels globaux,
associés à des champs robotisés aux
ambitions considérables? Rappelons que Ray Kurzweil
est devenu l'un des responsables de ces recherches. Il y
a apporté ses compétences étendues
et la capacité de faire collaborer des chercheurs
provenant de disciplines différentes, ce qui est
pratiquement hors de portée des laboratoires universitaires.
Nous pensons pour notre part que si dans 10 à 30
ans, un cerveau artificiel propre à dominer le monde
voyait le jour, il serait aux mains de Google et des agences
de renseignement américaines qui appuient massivement
les « géants du web » dont
cette société offre la référence
la plus significative.
* Comment
se fait il que Stanislas Dehaene ne fasse pas allusion,
dans l'abondante bibliographie qu'il fournit, aux travaux
réalisés par Alain Cardon dans le domaine
de la conscience artificielle? Est-ce parce que ce dernier
est un professeur d'informatique et comme tel, ignoré
des neuroscientifiques travaillant sur la matière
vivante? Nous pensons pour notre part que beaucoup des modèles
de processus établis par Alain Cardon seraient très
utiles pour simuler ce qui se passe au coeur des réseaux
neuronaux, encore inobservables par l'imagerie cérébrale
ou méthodes analogues. Y compris si l'on voulait
mieux comprendre le fonctionnement interne du neurone isolé,
qu'il faudrait sans doute, comme nous l'avons indiqué,
considérer comme constituant à lui seul un
système d'intelligence collective associant ses diverses
composantes, quasiment au niveau moléculaire.
De plus,
selon Alain Cardon, les observateurs du fonctionnement du
cerveau n'ont pas élucidé certains points
caractéristiques de la pensée consciente,
par exemple comment un système qui génère
des formes de pensées peut-il les éprouver?
Que signifie précisément alors « éprouver
? » . Traiter un tel problème ne se fait
pas par de l'observation mais par une modélisation
constructiviste fine. Celle-ci suggère des hypothèses
que l'on vérifie ensuite.
De même un autre point doit être défini
par le modèle (sinon il n'y aurait pas de modèle)
: quel est l'élément minimal constituant telle
pensée que l'on éprouve, par exemple à
la vue d'une certaine chose que l'on reconnaît et
apprécie? Il ne s'agit pas seulement d'un groupe
de neurones actifs à un certain endroit ? Là
encore il faut modéliser le système avec des
objets informatiques et mathématiques construisant
une forme complexe, dont l'on vérifie ensuite la
pertinence par l'observation du cerveau.
* Sur
un point précis, mais qui n'est pas de simple détail,
nous pensons que Stanislas Dehaene balaye un peu vite les
apports de la physique quantique à la compréhension
des mécanismes neuronaux. Selon des publications
récentes, des qu-bits interviennent dans la fonction
chlorophyllienne, le fonctionnement des organes sensoriels
de certaines espèces et, pourquoi pas, celui des
neurones.
Cela ne signifierait pas que des processus aléatoires
pourraient expliquer, à une tout autre échelle,
le mécanisme dit du libre arbitre. Chacun aujourd'hui,
à l'exception des spiritualistes, conviendra que
les choix dits volontaires procèdent de mécanismes
déterministes certes complexes mais qui pourraient
être analysables avec des outils appropriés.
Pour
en savoir plus Publications de Automates Intelligents
* Nous avons par ailleurs discuté
plusieurs fois les travaux de Ray Kurzweil sur ces sujets,
dans la perspective de la Singularité, notamment How
to create a mind 2012..
Nous avons par
ailleurs signalé la collaboration toute récente
de Ray Kurzweil avec Google, que nous évoquons dans
le présent article (voir Can
Google save Death ?).
Nous renvoyons le lecteur à tous ces articles, s'il
le souhaite, ne pouvant les reprendre ici, même sommairement.